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Retrouvez le contact avec vos émotions, utilisez votre intuition, développez votre intelligence émotionnelle

Toute personne, dans les processus qu’elle met en œuvre pour réaliser son adaptation permanente au monde, pense, ressent, agit. C’est un principe général, vous le savez bien. Et si penser, ressentir, agir forment les trois sommets d’un triangle, ces sommets sont inscrits dans une logique circulaire. Chacun d’eux activé en premier, déclenche les deux autres. On peut parcourir le triangle dans n’importe quel ordre.

Notre éducation, dans les pays européens et anglo-saxons en tous cas, Descartes et Pascal y sont pour quelque chose, a rejeté le « ressentir » de la sphère noble des activités de l’esprit humain. « Je pense, donc je suis. » a bien dit l’un des deux. Le siècle des Lumières a suivi, donnant le primat à la tête, symbolisée par l’Aigle au regard perçant, occupant l’espace en altitude, et par la tête du Sphynx, siège de la pensée, prolongée dans l’action par les bras et les jambes, organes subordonnés du faire. Dans la monumentale statue égyptienne du Sphynx, minéral immobile et sans vie, bras et jambes sont plaqués au sol, faisant corps avec lui plus qu’avec le Sphinx auquel ils appartiennent. Seule la tête est fièrement dressée et l’œil perçant. Et ceci au détriment du cœur, le Lion, et du ventre, attribut du Taureau. Le cœur, symbole du courage, le Lion, est aussi habité par les sentiments que l’on réserve souvent au genre faible, la femme. Le second, le Taureau, est investi par les sensations et les pulsions, domaines tabous du Faune autant que du Taureau.

Le roi Richard avait, lui, un courage et un cœur de Lion. On dit d’autres qu’ils ne s’expriment qu’avec la force aveugle et la brutalité du Taureau ou à l’inverse avec la séduction perverse du Faune. Tous les deux tournent leurs yeux vers le bas, excluant la pensée dans l’action. Le Taureau ne voit que le sol quand il fonce, tête baissée. Le Faune jette un regard oblique, que sa proie ne voit pas, et dans lequel, seul le spectateur de la scène représentée sur la gravure ou la peinture qui le sidère, perçoit la marque du désir pervers. Ce regard porte le message : « elle est à la merci de mes pulsions,…ou des siennes…seul cela compte ».

C’est ce bestiaire que l’on retrouvera dans les métaphores et dans certains mythes. C’est ainsi que par exemple Dédale, ingénieur de génie, ici symbole de l’intellect, enferma dans le labyrinthe de la logique indéchiffrable le Minotaure, fruit des amours de Pasiphaé avec le Taureau, résultat refoulé de la pulsion à l’état brut. Thésée, avec l’aide d’Ariane, pénètrera dans le labyrinthe en déroulant le fil qui lui permettra de retrouver le chemin du retour. Il tuera le Minotaure. Mais l’histoire se terminera d’une manière dramatique : pour Thésée qui abandonnera Ariane et pour son père dont la mort sera provoquée par la négligence du héros.

Oedipe sut résoudre l’énigme de la Sphinge. Il la battît cérébralement mais il se fourvoya et se trouva piégé dans l’expression d’un désir incestueux. Une logique inconsciente lui dicta alors son châtiment : crever ses yeux perçants, ceux de l’intellect de l’Aigle, devenu dès lors inutile et se condamner à arpenter la terre. Dès lors seules les sensations transmises par ses pieds au contact du sol guidèrent ses pas.



Avez-vous remarqué comme la logique de la représentation symbolique, la logique du mythe et celle de l’évolution de l’humain (comme celle de l’évolution de l’humanité) convergent dans l’investissement de l’espace au cours des âges ? Ces logiques inscrivent les objets de l’évolution dans deux régions de l’espace : le « haut » et le « bas ». Et l’homme, dans le temps, évolue en faisant passer ces objets du « bas » vers le « haut ». « Haut » et « Bas » ont ici valeur de métaphore mais ils désignent aussi l’espace réel. Ces régions sont hiérarchisées et marquées de valeurs opposées. Le bien, le beau, le pur, l’utile, l’efficace, les solutions, le spirituel, la morale, l’idéal etc. sont placés dans le « haut ». Le mal, le laid, le sale, l’encombrant et l’inutile, le matériel, les problèmes, le honteux etc. sont placés dans le « bas ». Les sentiments eux se partagent entre le « haut », les bons et beaux sentiments et le « bas », les sentiments peu avouables les états intérieurs négatifs. Les mythes cités font apparaître que l’ignorance voulue, la méconnaissance du « bas » ou sa répression au profit exclusif des logiques du « haut » entraîne pour les héros de ces mythes le regret et la culpabilité, le malheur et la mort. L’idéal humain serait d’intégrer les trois dimensions, celles du Sphinx ou de l’Aigle, celle du Lion et celle du Taureau, dans notre relation au monde, en les rendant spontanément présentes dans des proportions adaptées à chaque contexte. Or l’éducation, jusque dans les temps actuels, contient nombre d’injonctions qui montrent à quel point l’expression de la tête, de l’Aigle, de l’espace « haut », s’est imposée. Quand l’éducation inculque « Sois fort ...», cela ne signifie pas « soit fort comme le Lion ou le Taureau », mais plutôt « Aies la force de maîtriser ce dont ils sont les métaphores : la reconnaissance et l’expressionde tes émotions, sensations et, pulsions... ». Et l’éducation contient nombre d’autres adages et injonctions qui vont dans le même sens. « Un homme ne pleure pas ...», « Savoir cacher ses sentiments est une force... », « L’entreprise n’est pas là pour s’occuper de vos états d’âme.... ». « Les sentiments sont la forme de raisonnement la plus incomplète qui se puisse imaginer » a enfin posé Isidore Ducasse, que l’on honore de la qualité de poète !

Citons Descartes : « Je pense donc je suis ».

Citons maintenant la personne qui nous habite à longueur de journée (et de vie). Elle peut légitimement énoncer : « Je pense, j’éprouve des sentiments et des intuitions me viennent, je suis habité de désirs méconnus, donc je suis ».

Je ne fais aucun effort pour cela, alors que l’exercice du seul penser peut me fatiguer car je fais un effort conscient pour diriger ma pensée et la concentrer sur un objet. Et ce faisant je fais taire tout ce qui vient du « bas », affects et pulsions. Ressentir, c’est spontané, quelque chose agit à l’intérieur de moi pour que j’éprouve émotions et sentiments. « Ça » me fatigue différemment, et si « ça » dépasse un certain seuil on dit que « ça » m’empêche de penser. J’éprouve du stress, de la satisfaction, de la curiosité, de l’énervement, de l’anxiété, de la passion, de la détente, une motivation particulière, une appréhension diffuse, de la rancune, de la jubilation, de la culpabilité, de l’impatience et une infinité d’autres choses, sans que je le commande, car « ça » foisonne....

.... Encore que j’aie mon « menu personnel d’états internes ». Il liste les états intérieurs qui reviennent, chez moi, avec le plus de fréquence et qui me caractérisent, parfois plus aux yeux des autres qu’aux miens...

J’ai appris à contrôler, à repousser ou à nier ces choses. J’ai appris à les remplacer inconsciemment par d’autres, plus acceptables. Aussi est-il nécessaire pour ces états internes de dépasser un seuil d’intensité pour qu’ils franchissent la censure que je leur impose et que j’en en prenne conscience. A moins qu’alors ils ne m’aveuglent et ne dirigent, faisant fi de toute raison, mes comportements.

Faut-il redonner une place à vos émotions et intuitions, aussi fugaces soient-elles ? Faut-il les reconnaître pour percevoir les messages qu’elles vous communiquent dans telle et telle situation ? Faut-il identifier quels « idéaux », activés chez vous, déclenchent ces émotions et vous sensibiliser à l’utilité d’une communication avec soi, aussi importante que celle avec les autres ?

Il est des situations auxquelles la raison seule ne permet pas d’apporter des réponses. Elles nécessitent d’accéder à d’autres canaux qu’à ceux de notre logique rationnelle habituelle d’êtres ayant les pieds sur terre. Elles nécessitent de réhabiliter cette « intelligence émotionnelle » que la littérature du développement personnel a mis à la mode. Sans tomber dans le piège de ce développement de soi dont le seul but est d’ouvrir les vannes de l’expression émotionnelle. Il s’agit donc d’établir une communication entre « intelligence raisonnante » et « intelligence émotionnelle », la première visant à mettre des mots pour comprendre ce qui paraît indicible, la seconde à stimuler les potentialités de la première.

« Fariboles... » penseront certains, « Inquiétant...», se diront d’autres, « Voici l’occasion de faire quelques pas dans mon jardin secret dont j’avais perdu la clé... » penseront encore d’autres. « Quelle autorité ou quelle compétence un Autre, fut-il conseil, a-t-il pour m’accompagner sur ce terrain ?... » se demanderont encore certains....

Chacun se trouvera renvoyé à ces jugements ou interrogations, ainsi qu’à ses propres résistances, pour prendre la décision de s’engager ou dans ce travail ou d’en faire l’économie.

Christian Damien Espinosa